Stratégie nationale biodiversité 2030… acte I
Bérangère Abba a présenté ce 15 mars le "premier volet" de la Stratégie nationale biodiversité 2030, qui n’a pu être bouclée dans les temps. La stratégie sera complétée à l’automne – singulièrement ses "volets indicateurs, financements et gouvernance". Pour l’heure, elle compte 72 mesures, dont plusieurs concernent directement les collectivités territoriales.
"C’est un échec, collectif, de n’avoir pu tenir l’objectif. Il y a encore du travail pour aboutir à quelque chose de construit, de finalisé, de partagé". La secrétaire d’État chargée de la biodiversité n’a pas caché sa déception de ne pouvoir présenter, ce 15 mars – comme redouté (voir notre article du 28 février) – qu’une version partielle de sa stratégie nationale biodiversité 2030 (le "premier volet pré-COP 15"). Une présentation tronquée que Bérangère Abba assume. D’une part en l’expliquant par "le choix délibéré d’une concertation et consultation de 18 mois dans les territoires, avec les élus, les experts, les associations, les instances représentatives, les citoyens…", compliquées par la crise sanitaire. D’autre part, parce qu’elle préfère "se donner le temps d’une déclinaison vraiment opérationnelle" plutôt que d’adopter une stratégie "trop éthérée comme on peut en connaître dans ce genre d’exercice".
Grands principes
Cette stratégie poursuit une triple finalité : "protéger la biodiversité, la restaurer et vivre avec elle en valorisant ses bienfaits". Elle s’appuie sur plusieurs principes transversaux. Lors de sa conférence de presse, Bérangère Abba en a mis trois en avant : d’abord, le principe de sobriété, "parce que nous épuisons les ressources de la planère de manière déraisonnable" ; ensuite, la cohérence "entre ce que nous défendons au niveau international et ce que nous mettons en œuvre au niveau national et local" ; enfin, des mesures concrètes et opérationnelles, étayées par la connaissance scientifique et le principe de précaution, "parce que nous avons tous fait le bilan lamentable des incantations". S’y ajoutent notamment la synergie avec la politique de lutte contre le changement climatique ou encore l’intégration de la biodiversité dans l’ensemble des politiques nationales et locales. "Nous devons décloisonner nos politiques publiques pour trouver une véritable cohérence", enjoint Bérangère Abba.
5 axes, 72 mesures
La stratégie s’articule autour de cinq "axes structurants" : "des écosystèmes protégés, restaurés et résilients" ; "des ressources naturelles et des services écosystémiques utilisés de manière durable et équitable", "une société sensibilisée, formée et mobilisée", "un pilotage transversal, appuyé par la connaissance et orienté sur les résultats" et "des financements au service des politiques de biodiversité". Ils se déclinent en objectifs, ces derniers comprenant à leur tour différentes mesures – 72 au total.
Plusieurs concernent – plus ou moins directement – les collectivités territoriales. Sans souci d’exhaustivité, on relèvera notamment : le développement "d’une dimension nature dans les projets de territoire" ; la mise en conformité des documents de planification avec les objectifs de continuité écologique et la fixation, via les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), d’un nombre minimal annuel de "points noirs" à résorber par région ; la formation des fonctionnaires territoriaux (et nationaux) aux enjeux biodiversité et climat d’ici 2030 ; l’accompagnement des collectivités pour l’établissement d’un budget vert et matière de police environnementale (guides…) ; la création d’un groupe permanent Régions de France/État sur la biodiversité ou encore la mise en place d’une conférence annuelle ou biannuelle État/collectivités sur les politiques de biodiversité.
Lors de sa conférence de presse, Bérangère Abba n’a pas manqué de saluer "l’engagement des élus locaux, aux avant-postes", notamment pour la préservation des zones humides. Pour être complet, elle a de même salué la volonté "très forte" des entreprises de s’investir en la matière, en relevant qu’il existait "aujourd’hui de très bons outils, comme le Global Biodiversity Score de CDC Biodiversité" pour répondre à leur "besoin de mesurer leurs impacts, leurs engagements et valoriser leurs actions".
Suite à l’automne
Pour disposer de la version amendée de la stratégie, il faudra donc patienter. Jusqu’à "fin août-début septembre", promet Bérangère Abba, qui confesse toutefois ignorer quel sera alors son rôle. Un délai qui permettra, explique-t-elle, de prendre en compte les conclusions de la COP 15 de la convention Biodiversité qui se tiendra à Kunming fin avril-début mai, et peut-être aussi de celles de la mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) sur les financements, dont "la lettre de mission a été signée", mais qui doit "apporter son éclairage d’ici le 1er octobre, avec un point d’étape en août". Le "complément" portera principalement sur les indicateurs de suivi et les financements, mais aussi "sur l’aspect gouvernance", précise la secrétaire d’État. Qui souligne encore "l’engagement du Premier ministre à assurer le pilotage de cette stratégie au niveau interministériel, à Matignon".
Mise en pratique en 2022
Bérangère Abba met en avant le fait que plusieurs mesures seront mises en œuvre dès cette année, parmi lesquelles :
- l’adoption d’un plan d’actions de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, qui prévoit notamment "500 opérations coups de poing" d’ici 2025 (voir notre article de ce jour) ;
- la contribution de l’État (jusqu’à 1 million d’euros) à la résorption de "deux discontinuités écologiques particulièrement problématiques" en Isère et en Côte-d’Or ;
- en matière de protection des espèces menacées – "qui sont souvent emblématiques des territoires", souligne la secrétaire d’État –, le lancement de onze nouveaux plans nationaux d’actions (dont le mouflon de Corse), et l’élaboration de neuf autres plans (dont les vipères de métropole) qui devraient être finalisés en 2023 ;
- la préservation des zones humides, avec le lancement du quatrième plan national 2022-2026 qui comprend 31 mesures, parmi lesquelles l’engagement de l’État à restaurer 50.000 hectares de zones humides d’ici 2026 et l’acquisition foncière de 8.500 hectares pour mieux protéger certains sites. Par ailleurs, 18 zones humides "particulièrement emblématiques" ont été identifiées et feront l’objet de mesures particulières, avec pour ambition d’en retenir une pour donner naissance à un douzième parc national "dédié aux zones humides" ;
- la résorption de trois décharges littorales (voir notre article du 22 février 2022) ;
- l’élargissement du service national universel à la protection de la biodiversité, avec l’objectif de recruter 1.000 jeunes en 2022 (une enveloppe de 500.000 euros sera débloquée pour financer la prise en charge de leur hébergement et de leur transport), le développement des aires éducatives (1.000 en 2025, contre 550 aujourd’hui) ou encore le soutien aux voyages scolaires "nature".
La préservation des sols constitue également "un axe prioritaire".